- PALÉOCLIMATOLOGIE
- PALÉOCLIMATOLOGIELa paléoclimatologie a pour but de reconstituer les conditions climatiques ayant régné à la surface de notre planète dans le passé et d’expliquer leur évolution. Elle relève donc au premier chef de la géologie pour la reconstitution des faits, mais pour leur compréhension et leur interprétation, elle fait appel à des disciplines aussi variées que la zoologie, la botanique, la biogéographie, la pédologie, la géochimie, l’analyse statistique et la météorologie dynamique.C’est au XVIIIe siècle, lorsque des paléontologues tels que Buffon démontrèrent que des animaux de climat chaud, tels les éléphants ou les rhinocéros, vivaient autrefois en Europe et au Canada, que prit forme l’idée selon laquelle les conditions climatiques n’ont pas toujours été les mêmes. À la même époque, plusieurs naturalistes notaient la présence, dans le Jura et les Alpes, de blocs de pierre géants (les blocs erratiques), manifestement érodés et polis par les glaces. Ils conclurent à l’existence, dans un passé lointain, de gigantesques calottes glaciaires responsables de ces dépôts. Cette théorie se heurta alors au scepticisme quasi général de la communauté scientifique qui voyait dans ces blocs la marque du déluge décrit dans la Bible.Les observations scientifiquement conduites par Johann de Charpentier de 1829 à 1841 et par Louis Agassiz de 1836 à 1840 apportèrent un faisceau de preuves de l’existence des glaciations. Cependant la théorie des âges glaciaires resta l’objet d’âpres controverses pendant une vingtaine d’années jusqu’à ce que l’observation des glaciers de montagne et l’expédition scientifique de 1852 au Groenland fournissent les bases de la géologie glaciaire.À partir de ce moment, l’étude des glaciations de notre planète fera l’objet d’abondants travaux. Dès 1863, le géologue écossais Archibald Geikie observait des couches sédimentaires contenant des fragments de plantes de climat tempéré intercalés au milieu d’argiles déposées en climat glaciaire. Il en conclut qu’il n’y avait pas eu un âge glaciaire unique, mais une succession de périodes glaciaires séparées par des périodes interglaciaires au climat similaire à celui d’aujourd’hui. Pendant tout le XXe siècle, les géologues vont donc chercher à reconstituer et à expliquer la succession des périodes glaciaires et interglaciaires, en étudiant d’abord les dépôts continentaux quaternaires puis les sédiments marins et les glaces polaires au fur et à mesure du développement des techniques de carottage et de forage.Une autre voie de recherche paléoclimatique concerne les glaciations très anciennes de notre planète. En 1856, W.T. Blanford fit l’une des découvertes les plus lourdes de conséquences: celle de traces d’anciennes moraines du Permo-Carbonifère dans le centre de l’Inde. Ces roches, âgées de 250 millions d’années, sont situées tellement au-delà des grandes avancées de glace de la dernière période glaciaire qu’on ne peut que saluer le courage de Blanford à annoncer sa découverte, qui, pourtant, devait stimuler tout un courant de pensée et inspirer les théories modernes de l’expansion des fonds marins et de la dérive des continents. En effet, d’autres matériaux glaciaires du Permo-Carbonifère furent identifiés plus tard en Australie, en Afrique du Sud et en Amérique du Sud. Or une glaciation affectant plus que la totalité d’un hémisphère est climatologiquement impossible. Ce paradoxe excita, au début du siècle, l’intérêt du météorologue allemand Alfred Wegener. Sa théorie de la dérive des continents admettait une glaciation dans l’hémisphère Sud, mais limitée à un territoire plus restreint qu’aujourd’hui, et qui se serait morcelé à la fin du Permien [cf. GONDWANA]. Passionnément repoussée au début, la théorie de Wegener a trouvé sa démonstration dans le cadre de la tectonique des plaques [cf. TECTONIQUE DES PLAQUES].Depuis les années cinquante, la paléoclimatologie a subi une véritable révolution qui a essentiellement trois causes: d’une part l’introduction des méthodes géochimiques pour reconstituer quantitativement certains paramètres physiques des paléoclimats (en particulier l’étude des variations du rapport 1816O dans les carbonates et les glaces polaires), d’autre part la mise au point de fonctions de transfert permettant d’estimer les paléotempératures à 1 ou 2 0C près à partir des flores et des faunes fossiles, enfin l’obtention d’une échelle de temps précise grâce au développement de la géochronologie moderne.1. Les indicateurs paléoclimatiquesDe même que l’étude des climats modernes repose sur l’analyse statistique d’observations directes et utilise les techniques instrumentales de la météorologie, la paléoclimatologie fait appel à l’analyse statistique d’événements inférés d’indicateurs climatiques. C’est ainsi que de la présence au Groenland de feuilles de palmiers fossiles on déduit que les conditions y furent jadis plus clémentes. Si l’on trouve des os de rennes dans une grotte du Périgord, on en conclura que cette région a connu un climat plus rigoureux qu’aujourd’hui. Tout le travail des paléoclimatologues va consister en un effort incessant pour affiner ces déductions qualitatives et même obtenir des estimations chiffrées de températures ou de toute autre caractéristique des climats anciens.Géomorphologie et pédologieTout un ensemble d’observations simples peuvent conduire à une reconstitution des conditions climatiques passées: la localisation et la datation des moraines abandonnées par les glaciers permettent de reconstituer la surface qu’ils occupaient à un moment donné. Les glaciologues sont ensuite capables de calculer leur épaisseur à l’aide de modèles prenant en compte les contraintes imposées par l’écoulement de la glace. C’est ainsi que l’on a pu déterminer qu’il y avait plus de quatre kilomètres de glace au-dessus du Canada il y a dix-huit mille ans. De la même façon, une cartographie des dunes fossiles a permis de déterminer l’énorme extension des déserts à cette époque.Les pédologues s’intéressent tout particulièrement aux paléoclimats, car nombre de processus d’évolution des sols, une fois enregistrés, ne sont jamais totalement effacés. On distingue trois types principaux de phénomènes pédologiques suivant la latitude ou l’altitude:– l’action du froid (gélifraction et solifluction), qui augmente des latitudes moyennes vers les pôles, mais qui décroît dans les régions de gel permanent;– le lessivage (décomposition chimique et dissolution des minéraux), qui s’accroît vers l’équateur, étant entretenu par l’activité biologique qui se situe essentiellement dans les latitudes chaudes et humides;– l’évaporation (responsable de la montée des solutions par capillarité et de la précipitation de croûtes dans les sols), qui concerne les régions ayant, pendant au moins une saison par an, un rapport évaporation/précipitations positif, et qui donne ainsi une excellente indication des types de climat subtropicaux dits méditerranéens et de savane.Le sol est un milieu dynamique dans lequel tout changement de climat déclenche un régime biochimique et géochimique nouveau. Mais la réaction est souvent lente, si bien que la plupart des sols récents portent les traces des minéraux et des structures les plus stables hérités d’un précédent régime. Les anciens sols, appelés paléosols, sont donc d’une aide précieuse dans l’identification des climats anciens. Par exemple, la latérite, type particulier de paléosol qui domine le paysage en Afrique occidentale, en Amérique du Sud, en Australie et en Inde, est une cuirasse de fer née en deux temps: pédogenèse du milieu chaud et humide avec enrichissement en fer, puis évaporation et concentration du fer près de la surface sous forme de carapace. Un autre processus développe une croûte calcaire sous les latitudes «méditerranéennes». Un troisième type, remarquable en Australie, engendre une croûte siliceuse appelée «silcrete». On peut ajouter encore un quatrième type avec la bauxite, riche en aluminium et parfois en nickel, comme c’est le cas en Nouvelle-Calédonie.Les isotopes de l’oxygèneD’un composé oxygéné à un autre, le rapport des abondances isotopiques 1816O présente de petites variations, exprimées par l’écart relatif en pour mille ( 嗀 18O) de l’échantillon par rapport à un standard international:Deux composés sont utilisés couramment pour reconstituer les paléoclimats: les glaces polaires et les carbonates.Étant donné que les molécules H218O et H216O ont des tensions de vapeur différentes, le 嗀 18O des neiges décroît au fur et à mesure que la température de condensation de l’air diminue, tout comme la température de l’air au sol (fig. 1). On a pu ainsi retracer l’histoire du dernier cycle climatique aux hautes latitudes en mesurant les variations de 嗀 18O le long de carottes obtenues par forage des calottes glaciaires de l’Antarctique ou du Groenland.Pour les carbonates, la relation entre le 嗀 18O et la température est plus complexe, car ce 嗀 18O dépend aussi de celui de l’eau au sein de laquelle s’est effectuée la précipitation. C’est alors la différence de composition isotopique entre le carbonate et l’eau qui est une fonction linéaire de la température (fig. 1); on peut calculer la température de formation d’un carbonate par la formule des paléotempératures:L’application de cette formule à la mesure des paléotempératures n’est simple que si l’on peut estimer avec précision 嗀 18eau dans le passé. En pratique, cela n’est possible que pour les périodes géologiques où la Terre n’était pas partiellement recouverte de calottes glaciaires, par exemple le Cénozoïque avant le Miocène moyen; les variations du 嗀 18O des carbonates reflètent alors directement les changements de la température de l’eau de mer. Il en est tout autrement lorsque certains continents sont recouverts d’importantes calottes glaciaires. Celles-ci sont toujours beaucoup plus pauvres en 18O que l’eau de mer et les moindres fluctuations de leur volume influent considérablement sur la composition isotopique de l’océan 嗀 18eau. Les variations de 嗀 18O des carbonates reflètent alors essentiellement celles de 嗀 18eau et le signal thermique est presque complètement estompé; c’est ainsi que, dans tous les sédiments marins quaternaires, les coquilles des foraminifères [cf. MICROPALÉONTOLOGIE] présentent les mêmes variations de 嗀 18O en fonction du temps. Les isotopes de l’oxygène constituent alors un marqueur stratigraphique universel très largement utilisé.Les fonctions de transfertLes animaux et les végétaux ont des habitats préférentiels caractérisés par un certain domaine écologique. Aussi les variations des faunes de foraminifères le long des carottes marines, ou celles des pollens le long des carottes lacustres ou de tourbières, ont-elles été interprétées en terme de changement climatique. Exprimant cette dépendance écologique d’une manière quantitative, l’analyse statistique des populations actuelles et fossiles permet d’obtenir une estimation quantitative des changements des paramètres écologiques.L’établissement d’une fonction de transfert comprend deux étapes (fig. 2); un étalonnage à partir de la situation actuelle permet tout d’abord d’établir la relation entre les abondances relatives des différentes espèces et les paramètres écologiques; si le nombre d’espèces à prendre en compte est important, une analyse factorielle permet de définir des assemblages, ensembles d’espèces se comportant de manière similaire, ce qui réduit le nombre des variables biologiques. La seconde étape consiste à employer les techniques de régression pour exprimer les paramètres écologiques (température, salinité...) en fonction des abondances relatives des différentes espèces ou des différents assemblages. Les fonctions ainsi obtenues, dites fonctions de transfert, permettent d’estimer les paramètres écologiques dans le passé (paléoécologie); elles sont utilisables tant que les espèces fossiles sont les mêmes que les espèces actuelles. De telles fonctions ont pu être définies pour estimer les paléotempératures continentales (à l’aide des pollens) et marines (à l’aide des foraminifères, radiolaires ou encore coccolithes); l’erreur standard de ces estimations est généralement comprise entre 1 et 2 0C.La chronologie des grands événements climatiquesPour comprendre l’évolution des climats, il ne suffit pas de reconstituer les températures, les quantités de pluies ou l’extension des glaciers. Il faut aussi savoir comment ces paramètres ont varié au cours du temps. Ce besoin s’est fait tout particulièrement ressentir pour tester la théorie astronomique des paléoclimats: les astronomes étant capables de calculer les paramètres de l’orbite de la Terre en fonction du temps, il fallait que les paléoclimatologues soient capables de décrire le climat de la Terre aux mêmes époques.Les méthodes de datation les plus utilisées sont le carbone 14, le potassium-argon et l’établissement de l’équilibre dans la famille de l’uranium, toutes décrites dans GÉOCHRONOLOGIE. En outre, les renversements du champ magnétique terrestre, d’abord mis en évidence dans les laves volcaniques, sont enregistrés jusque dans les sédiments des mers profondes et des lacs, ainsi que dans les lœss. Leurs âges sont connus par suite de la datation potassium-argon de nombreuses coulées volcaniques et ils constituent d’excellents points de repère chronologiques [cf. GÉOMAGNÉTISME].2. L’histoire climatique de la TerreLa précision avec laquelle on est capable de reconstituer l’histoire climatique de notre planète dépend largement de l’âge des sédiments, de leur représentation à la surface du globe et de leur conservation. C’est pourquoi nous ne connaissons que très sommairement l’évolution des climats antérieure à 70 millions d’années de manière assez précise, mais en quelques points seulement celle de l’ensemble de l’ère tertiaire, et de façon très fine celle du Quaternaire supérieur.Les climats antérieurs à la fin du MésozoïqueLa tectonique des plaques fait ressortir une différence essentielle entre les continents, blocs dont l’existence a été permanente et qui se déplacent à la surface de notre planète les uns par rapport aux autres, et les fonds océaniques qui se créent au niveau des dorsales puis s’engloutissent dans le manteau de la Terre au niveau des fosses de subduction. C’est pourquoi les sédiments océaniques les plus anciens que l’on puisse retrouver aujourd’hui datent seulement de 140 millions d’années (Jurassique moyen) et ne sont présents que dans une zone restreinte de l’océan Pacifique au voisinage du Japon. Il n’existe donc plus aucune trace des océans primitifs, de sorte que l’histoire climatique de notre planète antérieure à la fin du Mésozoïque ne peut être reconstituée que par des restes fossiles, actuellement émergés, qui ont été déposés soit en surface des continents, soit dans des mers épicontinentales.Pour tout le Précambrien, le métamorphisme et les nombreuses incertitudes stratigraphiques ne permettent que des reconstitutions paléoclimatiques très fragmentaires. Cependant des traces d’algues stromatolithiques dans de nombreuses roches datant de 3,5 milliards d’années évoquent des conditions tièdes fréquentes (avec des moyennes de température comprises entre 20 et 30 0C). Les plus anciennes roches connues contiennent des sédiments déposés en milieu aquatique (grès et conglomérats primitivement sables et graviers), indiquant des températures comprises entre 0 et 100 0C. Cette exigence anéantit une grande partie des théories les plus imaginatives concernant le globe terrestre au Précambrien ancien. Un certain nombre d’indices de climats froids, souvent discutables, sont signalés dès 1,9 milliard d’années.Le développement explosif des formes vivantes dès le début du Paléozoïque permet de reconnaître des formes de climat tropical (par exemple les grandes fougères carbonifères du bassin houiller franco-belge) alors que dans l’hémisphère Sud le continent de Gondwana était recouvert de sédiments glaciaires. Les grandes lignes de l’histoire climatique de la Terre jusqu’à la fin du Mésozoïque sont reportées dans le tableau.Les climats de la fin du Mésozoïque et du TertiaireJusqu’en 1968, la géologie du Mésozoïque et du Tertiaire n’était étudiée qu’au travers des séries émergées. La mise en œuvre depuis cette date des navires foreurs Glomar Challenger puis Joides Resolution a permis de récolter dans tous les océans des séries sédimentaires remontant jusqu’au Crétacé. L’étude isotopique des foraminifères benthiques permet de suivre l’évolution thermique des eaux de fond des océans; celle-ci est la même pour tous les océans puisque ceux-ci sont alimentés en eau profonde par des plongées d’eau de surface dense qui ne se produisent qu’en un petit nombre de zones situées aux hautes latitudes, en particulier dans l’océan Austral. C’est pourquoi les paléotempératures des eaux de fond sont très voisines de celles des eaux de surface de l’océan Austral, déterminées à partir de la composition isotopique des foraminifères planctoniques des forages effectués au sud de la Nouvelle-Zélande.La fin du Mésozoïque est marquée par une tendance générale au refroidissement, avec en particulier une chute brutale de température de l’ordre de 3 à 5 0C au cours du Maastrichtien moyen (face=F0019 漣 65 millions d’années). Cependant, cet épisode froid, au cours duquel les eaux de surface de l’Atlantique vers 130 de latitude sud sont à 13 0C, est de courte durée et les températures se rétablissent vers 17-18 0C au moment de la limite Crétacé-Tertiaire. La dramatique révolution biologique qui caractérise cette limite n’est donc pas directement liée à un changement brutal du climat.Au début du Tertiaire, l’océan mondial est essentiellement un océan chaud, à toute latitude et à toute profondeur. Les températures des eaux de surface sont voisines de 23 0C aux basses latitudes et de 17 0C entre l’Australie et l’Antarctique. En profondeur, à plus de mille mètres, les températures sont encore de l’ordre de 13-15 0C (fig. 3).La détérioration du climat au cours du Paléogène, reconnue depuis longtemps par les géologues continentaux, a été confirmée. Cependant, les températures ne diminuent pas d’une manière monotone; à la tendance générale au refroidissement, se surajoutent quelques événements dramatiques qui ont des conséquences profondes et irréversibles sur le milieu océanique ou continental.Le plus important de ces événements se produit vers 漣 38 millions d’années, à la limite Éocène-Oligocène. En moins de cent mille ans, la température des eaux profondes océaniques passe de 10 à 5 0C. Cette brutale chute des températures a été interprétée par J. P. Kennett et N. J. Shackleton comme la première formation d’eaux profondes froides selon le mode caractéristique que nous connaissons actuellement. Une modification aussi brutale du milieu bathyal et abyssal a provoqué une crise majeure pour les faunes benthiques, que ce soient les foraminifères ou les ostracodes.Un autre événement considérable est observé au Miocène moyen. Alors que, jusque-là, l’évolution thermique des eaux de surface avait été parallèle à celle des eaux de fond, une divergence fondamentale apparaît: aux basses latitudes, les températures des eaux de surface augmentent de 4 à 5 0C, retrouvant les valeurs qu’elles avaient à la fin de l’Éocène; aux hautes latitudes de l’hémisphère Sud, au contraire, le refroidissement s’intensifie et une calotte glaciaire s’installe sur le continent antarctique, entraînant une importante régression de la mer. À partir de ce moment, l’océan Austral conservera des températures très basses, à cause de la proximité de cette calotte. Les basses latitudes acquerront des températures élevées, supérieures à celles qui régnaient au début de l’Éocène. L’installation de la calotte glaciaire antarctique a donc été accompagnée d’une augmentation du gradient latitudinal des températures superficielles de l’océan.Au Miocène supérieur, la calotte glaciaire antarctique est définitivement installée, mais elle présentera quelques fluctuations de volume, de l’ordre du tiers du volume actuel; celles-ci sont enregistrées dans le 嗀 18O des foraminifères, sans que l’on connaisse la localisation précise des zones qui s’englacent ou se déglacent. La zonation climatique de la Terre est alors profondément dissymétrique puisque seules les hautes latitudes de l’hémisphère Sud sont englacées. Au contraire, les régions polaires nord bénéficient d’un climat tempéré froid: l’océan Arctique n’est pas recouvert de glace et les régions côtières sont couvertes de forêts tempérées ou boréales. Cette situation restera stable durant tout le Pliocène inférieur ou moyen, jusque vers 漣 3,1 millions d’années lorsque, pour des raisons encore inconnues, une calotte glaciaire s’établira sur les continents nordiques.L’évolution du climat depuis le Pliocène supérieurDepuis l’établissement d’une calotte glaciaire sur l’hémisphère Nord, l’évolution climatique de la Terre est conditionnée par les variations du volume des glaces stockées sur cet hémisphère, la calotte glaciaire antarctique restant relativement stable. La figure 4 montre que le volume des glaces continentales (déduit du 嗀 18O des foraminifères fossiles) a essentiellement oscillé entre deux états: l’un est proche de celui que nous connaissons actuellement; l’autre est caractérisé par des calottes glaciaires recouvrant le nord de l’Amérique et de l’Eurasie. La dernière en date de ces situations glaciaires remonte à dix-huit mille ans. Les conditions interglaciaires, avec un minimum de glace sur l’hémisphère Nord, n’ont guère prévalu que pendant 10 p. 100 des derniers millions d’années. Pendant le reste du temps, il y a eu davantage de glace sur les continents et les températures ont été sensiblement plus basses. Au cours du dernier million d’années, treize poussées glaciaires d’importance comparable à celle de dix-huit mille ans ont été séparées par treize périodes interglaciaires. Des oscillations climatiques similaires ont été mises en évidence jusqu’à l’événement qui se produisit à 漣 3,1 millions d’années, sans qu’il ait encore été possible de dénombrer toutes les poussées glaciaires du Plio-Quaternaire; on sait déjà que ce nombre est supérieur à 25.Toutes ces fluctuations du volume des glaces continentales s’accompagnent de variations du niveau de la mer, dont témoignent des plages fossiles qui peuvent être datées par les méthodes radiométriques [cf. GÉOCHRONOLOGIE]. Cependant, l’érosion marine fait disparaître la plupart des traces des régressions et transgressions, de sorte que le dernier cycle climatique est le mieux connu. La figure 5 compare pour les cent cinquante mille dernières années l’évolution du volume des glaces continentales, les niveaux de la mer reconnus et datés et les variations du 嗀 18O des glaces du Groenland (qui est, ainsi que nous l’avons vu, une fonction de la température). Aux périodes d’extension maximale des glaciers sur les continents correspondent les plus bas niveaux de la mer et les températures les plus basses au Groenland. Il faut cependant noter que, outre les incertitudes dans l’estimation de l’âge des glaces, la transposition du 嗀 18O en terme de température n’est pas simple pour deux raisons: d’une part, à cause de la dynamique propre des calottes glaciaires, la glace trouvée en profondeur s’est formée en amont du site de forage, donc avec un 嗀 18O inférieur à celui qui correspond au site étudié; d’autre part, la calotte glaciaire groenlandaise a changé de volume, et elle était plus haute de 500 à 1 000 mètres à son maximum. Le 嗀 18O des glaces enregistre ainsi deux termes: la variation de température due au climat, plus un effet purement local, le changement de température, lié à la variation d’altitude du site de formation de la glace. L’altitude à laquelle la neige s’est déposée peut être déduite de la teneur en gaz occlus dans la glace; cet effet pris en compte, il apparaît que la région du Groenland était plus froide de 6 à 9 0C que maintenant au cours du dernier âge glaciaire.La reconstitution du monde glaciaire il y a dix-huit mille ansLe programme international Climap (Climate Long-Range Investigation Mapping and Prediction) a pour but la reconstitution de l’extension et de l’altitude des glaces permanentes, du schéma général des températures superficielles des océans et de l’albedo des continents lors du dernier maximum glaciaire.La géographie des continents se déduit de celle d’aujourd’hui en tenant compte de la baisse de 100 à 120 mètres du niveau de la mer. Cette régression correspond au transfert d’eau nécessaire au développement des calottes glaciaires, d’un volume de 50 millions de kilomètres cubes, sur l’hémisphère Nord (fig. 6). Des montagnes de glace hautes de plusieurs kilomètres recouvraient l’Amérique du Nord et l’Eurasie, alors que de grandes surfaces en Alaska et en Sibérie restaient dépourvues de toute glace. Dans l’hémisphère Sud, on observait uniquement le développement de glaciers de montagne dans les Andes et en Australie.L’océan d’il y a dix-huit mille ans n’est, en moyenne, que de 2,3 0C plus froid par rapport à l’actuel, mais les changements de température sont très inégalement répartis: un refroidissement intense des hautes latitudes s’oppose aux conditions régnant aux latitudes moyennes, peu différentes de celles d’aujourd’hui, ou au refroidissement modéré des basses latitudes. L’extension de la glace de mer aux hautes latitudes est générale: elle recouvre en permanence la mer de Norvège tout comme l’océan Arctique. Dans l’océan Austral, elle atteint 500 sud pendant l’hiver, soit une avancée de l’ordre de 1 000 kilomètres.Dans l’Atlantique nord, le Gulf Stream était légèrement déjeté vers le sud; la branche qui longe actuellement les côtes de l’Europe avait entièrement disparu. Un gradient thermique très prononcé séparait vers 420 nord la masse d’eau polaire des eaux subtropicales. Le refroidissement, pouvant atteindre 10 0C, a surtout affecté les latitudes supérieures à 400 nord ainsi que la Méditerranée occidentale (plus froide de 7 0C) alors que la Méditerranée orientale n’était plus froide que de 1 à 2 0C. Le Pacifique nord était aussi notablement plus froid, sa bordure occidentale, ainsi que la mer du Japon, étant la plus affectée par la baisse de température.Aux latitudes moyennes, les grands tourbillons occupant la partie centrale des océans ont été peu affectés par les changements de climat. Alors que la baisse des températures y était généralement inférieure au degré, elle pouvait atteindre 4 à 6 degrés dans les régions affectées par le renforcement des courants froids de Benguela et du Pérou ou par l’affaiblissement du courant chaud des Aiguilles.Aux basses latitudes, le refroidissement est plus marqué, en général de l’ordre de 2 0C. Il atteint 4 à 6 0C dans le Pacifique équatorial sous l’influence conjugée des apports d’eau froide du courant du Pérou et d’un renforcement de l’upwelling équatorial.Ces changements des conditions océaniques ont considérablement retenti sur l’environnement continental. Les températures y ont souvent diminué de 5 à 10 0C et les précipitations ont subi une réduction drastique, de l’ordre d’un facteur 2 dans le cas de la mousson du Sud-Est asiatique. On observe par conséquent une extension générale des zones désertiques et une reprise d’activité de la plupart des dunes de sable. De même, les steppes et les prairies s’étendent au détriment de la forêt.Les conditions de formation d’une calotte glaciaireLes courbes isotopiques montrent que les calottes glaciaires s’accumulent en quelques milliers d’années, ce qui implique un taux de précipitations neigeuses sur les continents affectés sans commune mesure avec ce que l’on observe aujourd’hui. En outre, l’initiation d’une calotte glaciaire devrait stabiliser un large anticyclone sur le continent; il devrait en résulter l’expansion d’air froid et sec qui stopperait les précipitations. Les calottes glaciaires ne devraient donc pas pouvoir se développer. Ce paradoxe a été résolu par l’observation que les dernières périodes de développement des calottes glaciaires sur l’hémisphère Nord se sont produites en présence d’un océan Atlantique de 1 à 2 0C plus chaud qu’aujourd’hui jusqu’à la latitude de 600 nord. Il en résultait un fort gradient thermique entre l’océan chaud et le continent froid, favorisant le développement de tempêtes de neige qui s’abattaient sur les continents voisins.3. Causes des changements de climatsUn grand nombre de théories a été proposé durant le XIXe siècle pour expliquer les changements de climat. Nombre d’entre elles sont loin d’être satisfaisantes, soit parce qu’elles n’expliquent qu’une partie des données, soit parce qu’elles sont en contradiction avec une loi fondamentale de la physique ou de la biologie.Les principales contingences sont les suivantes:– la loi de l’actualisme selon laquelle on n’accepte que les principes de la science moderne et l’on rejette toute superstition; c’est ainsi que l’on ne peut changer ni les lois de la mécanique céleste, ni celles de la météorologie;– la loi de la continuité biologique qui constate que l’évolution a été globalement ininterrompue, bien qu’à certaines époques de grandes extinctions brutales à l’échelle géologique aient été mises en évidence par les paléontologues; cette observation conduit à rejeter un désastre cataclysmique majeur telle la collision de planètes, un changement gigantesque de l’orbite terrestre ou dans le cycle lunaire, une variation de plus de 20 0C de la moyenne mondiale actuelle des températures ou tout événement physique qui aurait eu pour résultat l’annihilation totale des organismes vivants et donc la reprise à zéro de l’évolution biologique.D’une manière très schématique, les découvertes les plus récentes suggèrent que, à long terme, les climats dépendent de la position des continents sur le globe terrestre; ils sont d’autant plus contrastés que certains d’entre eux occupent les zones polaires. À l’échelle de quelques dizaines de millénaires, ils sont modulés par les variations de la position de la Terre sur son orbite autour du Soleil. À l’échelle de quelques années le volcanisme peut contribuer à modifier les conditions climatiques sans que l’on ait pu prouver un quelconque impact à long terme. Dans cette gamme de temps, d’autres phénomènes interviennent: peut-être les variations d’activité solaire et, à coup sûr, les interactions entre l’océan et l’atmosphère, qui constituent une des voies de recherche de tous les programmes climatiques mondiaux.Dérive des continents et tectonique des plaquesL’étude du paléomagnétisme indique que les plaques continentales ne sont pas solidaires du manteau mais flottent à sa surface. Les processus d’expansion des fonds océaniques modifient à une allure de l’ordre de quelques centimètres par an la position relative des continents les uns par rapport aux autres. Aussi un observateur resté immobile à la surface des continents aurait-il vu défiler des latitudes et des longitudes très différentes de celles d’aujourd’hui. L’océan Atlantique, par exemple, n’existait pas il y a 200 millions d’années et l’Europe était alors soudée à l’Amérique du Nord.L’axe de rotation de la Terre est resté probablement constant au cours du temps par rapport au reste du système solaire et les pôles magnétiques voisins des pôles géographiques (sauf pendant les quelques siècles correspondant aux renversements de polarité magnétique). Le paléomagnétisme permet de montrer que la grande période glaciaire qui a affecté le continent de Gondwana il y a plus de 400 millions d’années correspond à une époque où ce continent rassemblant l’Afrique, l’Inde, l’Australie et l’Amérique du Sud, était en position polaire. Dans le même temps, l’Europe était en position équatoriale, d’où l’existence de la gigantesque forêt carbonifère.La collision entre deux plaques continentales est susceptible de modifier la géographie des bassins océaniques. Or celle-ci conditionne le schéma de circulation des eaux océaniques superficielles, qui contribuent pour une part importante au transport méridien de chaleur (20 p. 100 actuellement pour l’hémisphère Nord). À l’Éocène, la position des continents dans l’hémisphère Sud était très différente de celle d’aujourd’hui. L’Australie et la Nouvelle-Zélande étaient proches du continent antarctique qui, lui-même, était soudé à l’Amérique du Sud. La circulation superficielle de l’océan Pacifique était alors dominée par un important tourbillon favorisant les échanges de chaleur entre hautes et basses latitudes, d’où le faible gradient latitudinal de température à cette époque et l’absence d’une calotte glaciaire importante sur l’Antarctique.La séparation progressive de l’Australie et de l’Antarctique durant l’Éocène a conduit à la formation d’une zone océanique australe bien individualisée. On y observe les traces d’une intense circulation d’eau de fond dès le début de l’Oligocène, ce qui suggère une relation étroite entre l’événement à 漣 38 millions d’années et l’individualisation de ce bassin. Quant au courant circumpolaire antarctique, qui contribue actuellement à isoler des basses latitudes une grande masse d’eau froide, il n’a pu s’établir qu’au cours de l’Oligocène, lorsque l’Antarctique a été bien séparé de tous les continents voisins. Quelques millions d’années plus tard seulement, le continent Antarctique se recouvrira d’une gigantesque calotte glaciaire qui subsistera jusqu’à nos jours.La fermeture de l’isthme de Panama au Pliocène a contribué à augmenter le contraste entre l’océan Atlantique et l’océan Pacifique et pourrait être responsable d’un renforcement du Gulf Stream, entraînant davantage d’apports d’eaux chaudes aux hautes latitudes, ce qui favoriserait le développement de calottes glaciaires continentales dans l’hémisphère Nord.Une collision entre plaques peut aussi conduire à la formation de chaînes de montagnes qui vont influer sur la circulation atmosphérique et donc sur le climat. La collision entre l’Inde et l’Asie est responsable de la formation de la chaîne himalayenne qui elle-même contribue à renforcer le contraste saisonnier entre le continent asiatique et l’océan Indien, responsable du phénomène de mousson (cf. chaîne HIMALAYENNE). En conséquence, on observe en baie du Bengale, à partir du Pliocène, une énorme augmentation des apports de matériaux d’origine continentale traduisant un accroissement d’érosion lié à la fois à la croissance de l’Himalaya et à l’augmentation des pluies de mousson sur le Sud-Est asiatique.La tectonique des plaques et les déplacements des continents à la surface de notre globe permettent donc d’expliquer certains bouleversements dans l’évolution climatique de la Terre, généralement séparés par plusieurs millions d’années, mais non les variations cycliques avec une pseudo-périodicité de quelques dizaines de millénaires comme on en observe pendant tout le Quaternaire.La théorie astronomique des paléoclimatsLa théorie du contrôle climatique par des mécanismes célestes fut avancée par Joseph Adhémar en 1842, puis par James Croll en 1875. À la suite des travaux du physicien serbe Milutin Milankovitch entre les deux guerres mondiales, puis de ceux de l’astronome belge André Berger et du paléoclimatologue américain John Imbrie, il est devenu clair que les variations de la position de la Terre sur son orbite sont susceptibles d’induire des changements à long terme du climat, sans la moindre variation du flux de chaleur émis par le Soleil.Les trois paramètres qui caractérisent l’orbite de notre planète sont tout d’abord l’excentricité, ensuite l’inclinaison de son axe par rapport à une perpendiculaire au plan de son orbite et enfin la précession des équinoxes; tous ces paramètres varient dans le temps:– La Terre décrit dans l’espace une ellipse dont le Soleil occupe un des foyers. Cette ellipse se déforme de deux façons: d’une part elle tourne très lentement par rapport à des étoiles fixes; d’autre part son excentricité, qui est une mesure du degré d’aplatissement de l’ellipse, varie d’une configuration presque circulaire à une valeur maximale de 6 p. 100. Cette variation présente une pseudo-périodicité de l’ordre de 100 000 ans. De nos jours, l’excentricité de l’orbite terrestre est voisine de 1,7 p. 100 et la Terre se trouve plus près du Soleil en décembre qu’en juillet.– L’orientation de l’axe de la Terre reste fixe à l’échelle de l’année. Il en résulte les saisons: lorsque le pôle Nord pointe vers le Soleil, l’hémisphère Nord reçoit davantage de chaleur et c’est l’été boréal; six mois plus tard, c’est le pôle Sud qui pointe vers le Soleil et c’est l’été austral ainsi, bien sûr, que l’hiver boréal. L’inclinaison de l’axe de la Terre est aujourd’hui de 230 27 mais cette valeur varie de 梁 10 30 avec une périodicité de 41 000 ans. Lorsque l’inclinaison de l’axe de la Terre est maximale, les zones polaires interceptent davantage de rayonnement solaire lorsqu’elles pointent vers le Soleil. Cette configuration conduit donc à des étés chauds et des hivers rigoureux aux hautes latitudes et correspond aux climats interglaciaires avec peu de glaces aux hautes latitudes sur les continents. Inversement, une diminution d’inclinaison correspond à des étés moins chauds et à des hivers moins froids, configuration qui cependant permet le développement des calottes glaciaires continentales.– La précession des équinoxes provient de ce que la Terre n’est pas parfaitement sphérique. L’action du Soleil, de la Lune et des planètes sur le renflement équatorial de la Terre provoque une rotation de son axe avec une périodicité de 26 000 ans. En conséquence, le moment où le pôle Nord pointe vers le Soleil ne correspond pas toujours à la même position de la Terre sur son orbite. Aujourd’hui la Terre est loin du Soleil en juillet et près en décembre. Il y a 11 000 ans la Terre était loin du Soleil en décembre (d’où des hivers plus froids) et près du Soleil en juillet (d’où des étés plus chauds). Pour déterminer les saisons pendant lesquelles la Terre est près du Soleil et celles pendant lesquelles elle en est loin, il est nécessaire de tenir compte du lent mouvement de rotation de l’orbite elliptique de notre planète. C’est pourquoi A. Berger a calculé que les variations d’insolation saisonnière qui résultent du mouvement de précession ne présentent pas la périodicité de 26 000 ans mais une double périodicité, avec un cycle principal de 23 000 ans et un cycle mineur de 19 000 ans.La théorie astronomique a reçu récemment d’éclatantes confirmations expérimentales. Par exemple, elle permet de calculer qu’il y a 125 000 ans l’excentricité était voisine de 4 p. 100, l’obliquité sensiblement plus forte qu’aujourd’hui (230 48 ) et la Terre près du Soleil en été. Cette configuration a conduit à distribuer une insolation d’été des hautes latitudes de l’hémisphère Nord 13 p. 100 supérieure à celle d’aujourd’hui et à instaurer la dernière période interglaciaire, sensiblement plus chaude que la nôtre. Il y a 115 000 ans, l’excentricité était toujours forte, mais l’obliquité très faible (220 24 ) et la Terre près du Soleil en hiver. Aux hautes latitudes de l’hémisphère Nord, l’insolation est inférieure de 9 p. 100 à celle d’aujourd’hui. Il en résulte un climat sensiblement plus froid qui marque le début de la glaciation.Impact du volcanismeLes éruptions volcaniques les plus fortes injectent des gaz et des particules jusque dans la stratosphère. Peu après une éruption, les aérosols stratosphériques sont essentiellement constitués de cendres volcaniques très fines; celles-ci sédimentent rapidement et, après quelques semaines, les aérosols stratosphériques les plus abondants sont des sulfates créés par la conversion photochimique du S2. Ils vont rester pendant quelques années dans la stratosphère et absorber une partie du rayonnement solaire incident. C’est ainsi que l’éruption du volcan El Chichón en avril 1982 a entraîné un réchauffement de l’ordre de 3 0C vers 20 km d’altitude.Le rayonnement solaire qui est absorbé en altitude dans la stratosphère vient en déduction de celui reçu par la basse atmosphère qui se refroidit de quelques dixièmes de degrés. Cette baisse des températures au sol est très difficile à mettre en évidence parce que, avec ou sans éruption volcanique, les températures fluctuent d’une année sur l’autre. Les études paléoclimatiques ont toutefois apporté des preuves décisives de l’effet des volcans. Comme les aérosols de sulfate sont piégés dans les glaces polaires, une forte éruption volcanique est marquée par un pic de sulfate dans la couche de neige déposée la même année. Une statistique sur les derniers millénaires montre qu’un refroidissement sensible des températures de l’air aux hautes latitudes (mesuré par le rapport 1816O des glaces polaires) accompagne toutes les éruptions volcaniques mais s’amortit rapidement. Il en résulte que, sur une période de 50 ans, les températures moyennes sont d’autant plus basses que l’activité volcanique a été plus élevée. Cela a conduit certains géologues à penser qu’une succession d’éruptions volcaniques pourrait déclencher une glaciation, pour peu que les conditions d’insolation soient favorables. Bien que certains indices supportent cette hypothèse, celle-ci n’a jamais reçu une confirmation expérimentale indiscutable.Théories cosmiques et extra-terrestresLa découverte récente d’un fort enrichissement en iridium dans les sédiments de la limite Crétacé-Tertiaire a relancé l’idée que cet événement marqué par la disparition des grands reptiles et de nombreuses autres espèces pourrait être dû à la collision entre la Terre et une météorite géante. L’iridium est en effet extrêmement rare à la surface de la Terre et aucun mécanisme géochimique ne permet d’expliquer les enrichissements observés dans les sédiments marins et continentaux de cette époque. En revanche, l’iridium est plus abondant dans les météorites parce que celles-ci sont faites de matériaux qui n’ont pas subi une différenciation chimique comme ce fut le cas pour la Terre où les métaux comme l’iridium se sont concentrés dans le matériel profond. L’enrichissement observé dans toutes les séquences sédimentaires contenant la limite Crétacé-Tertiaire pourrait aussi s’interpréter comme la marque du passage de la Terre au travers d’un nuage de poussières interstellaires, dont un effet serait de filtrer et diffuser la lumière solaire. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’événements exceptionnels, qui ne peuvent rendre compte de l’évolution globale du climat de notre planète.L’activité solaire constitue un autre candidat à l’explication de certaines variations climatiques. Alors que le rayonnement infra-rouge du Soleil, vecteur de la plus grande énergie calorifique, est reconnu comme constant, le transfert de faible énergie que sont les rayons ultraviolets connaît en revanche des variations, liées à l’activité solaire. Cette dernière est à son maximum à chaque crescendo des taches solaires, qui suivent un cycle d’un peu plus de 11 ans, avec un cycle magnétique de 22 ans.La relation qui existerait entre le climat et les taches solaires est toujours controversée. Certains statisticiens la nient, mais les données modernes vont plutôt dans le sens de cette conception. Elle semble fonctionner comme suit: l’émission ultraviolette maximale du Soleil provoque une désintégration des atomes d’oxygène dans la haute stratosphère, créant de l’ozone (O 3). Des études faites par fusées et satellites montrent que les courbes U.V. présentent des crochets dépassant parfois 200 p. 100. L’énergie libérée dans la couche du maximum d’ozone peut élever la température ambiante de 50 0C. Cette couche est le principal agent de l’«effet de serre» dans la haute atmosphère (et non pas le gaz carbonique et l’eau, comme c’est le cas dans la troposphère). L’écran constitué par l’ozone représente par conséquent un facteur régissant la température à l’échelle mondiale. Les statistiques portant sur la variation du climat à l’intérieur des ceintures de vents d’ouest chargées de nuages (où sont situées les stations météorologiques les plus anciennes) ne fournissent que peu ou pas de corrélations avec les cycles des taches solaires, à cause de l’intervention de facteurs dynamiques complexes d’origines océanique, orographique, etc. Mais des corrélations vraiment frappantes ont été observées dans les stations de désert, où l’ennuagement est le plus souvent nul.4. Les leçons du passéSi l’on en croit la théorie astronomique des paléoclimats, notre planète connaîtra un nouvel âge glaciaire dans moins de 5 000 ans. Cependant, les paléoclimatologues ne sont pas encore capables de prédire quand le climat commencera à changer de manière significative, ni à quel rythme il évoluera vers la glaciation.Cependant, l’étude des sédiments atlantiques a permis de montrer que plusieurs fois au cours des 150 000 dernières années la température des eaux de surface au large de l’Europe avait subi des fluctuations dont l’amplitude atteignait 14 0C. Bien évidemment, celles-ci retentissent immédiatement sur le climat du continent européen voisin. En général, il faut quelques millénaires pour que des eaux chaudes soient remplacées par des eaux froides ou inversement, mais récemment il est apparu que des oscillations thermiques de même amplitude pouvaient se développer en quelques siècles seulement.Or, avec le développement technologique actuel, l’adaptation poussée des cultures au climat du XXe siècle qui a été particulièrement favorable de 1920 à 1960, et la fixation des populations dans des villes de sorte que toute migration devient impossible, les hommes ont bâti une société étroitement dépendante du climat actuel. Les conséquences de la sécheresse du Sahel où la densité de peuplement est malgré tout très faible, et celles de la diminution des réserves mondiales de céréales vers 1970, prouvent qu’il est indispensable de développer des méthodes de prévision climatique à l’échelle d’une ou plusieurs années et qu’à long terme les hommes doivent se préparer à faire face à un changement majeur du climat dû à des causes purements naturelles.Par ailleurs, les climatologues ont réalisé que les activités humaines pouvaient elles-mêmes provoquer des modifications du climat. S’il est maintenant bien établi que la température moyenne des villes est 2 ou 3 0C plus élevée que celle de la campagne environnante, la combustion des charbons, bois et pétrole, qui relâche dans l’atmosphère du C2, influe aussi sur le budget thermique global de notre planète. Le C2 laisse pénétrer le rayonnement solaire incident, mais absorbe le rayonnement infrarouge émis en retour par la Terre, de sorte que l’atmosphère est plus chaude qu’elle serait en absence de C2 atmosphérique. C’est ce que l’on appelle l’effet de serre, le C2 jouant pour l’atmosphère le même rôle que le vitrage pour la serre des horticulteurs. Depuis 1958, on mesure en continu l’augmentation de la teneur en C2 de l’atmosphère résultant des activités humaines. Cependant l’ère industrielle a commencé depuis plus d’un siècle et les géochimistes souhaiteraient connaître avec précision la teneur en C2 de l’atmosphère à l’époque préindustrielle, ainsi que sa variabilité naturelle.Là encore, les paléoclimatologues ont apporté des informations décisives. En 1980, les glaciologues de Grenoble et de Berne ont simultanément démontré que l’air piégé au sein des glaces polaires conserve sa composition chimique d’origine. Ils ont pu ainsi déterminer que, depuis le début de l’ère industrielle, la quantité de C2 présente dans l’air a augmenté de quelque 140 milliards de tonnes, faisant passer sa teneur de 270 ppm en 1850 à 340 ppm en 1982. Les hommes sont donc responsables d’un accroissement de 25 p. 100 de la quantité de C2 présente dans l’atmosphère.Cette pollution pourrait avoir un effet sensible dès maintenant sur notre environnement. Le sujet est encore fortement controversé mais les glaciologues ont établi une curieuse coïncidence entre C2 et climat. Ils ont en effet montré que l’air piégé dans les glaces polaires formées lors de la dernière période glaciaire contient moitié moins de C2 que l’air d’aujourd’hui. On ne connaît pas encore avec précision les causes de cet appauvrissement, mais il est certain que la chimie de l’océan ainsi que la circulation des eaux profondes qui était plus lente que celle d’aujourd’hui ont joué un rôle majeur dans la régulation de la teneur en C2 de l’atmosphère, en modifiant le taux d’échange de ce gaz entre l’air et la mer. Bien que le C2 ne soit pas seul responsable de la température de l’atmosphère, on dispose ainsi d’une expérience en grandeur réelle montrant l’importance du C2 sur le budget thermique global de la Terre et des travaux de modélisation devraient permettre dans un avenir proche de faire la part de l’influence respective du C2 et des variations d’insolations, calculées dans le cadre de la théorie de Milankovitch, dans l’évolution paléoclimatique de notre planète.• 1963; de paléo- et climat♦ Sc. Climat d'une ancienne époque géologique. Étude des paléoclimats (paléoclimatologie n. f. ).paléoclimatologien. f. Didac. Partie de la paléogéographie qui étudie les paléoclimats.paléoclimatologie [paleoklimatɔlɔʒi] n. f.ÉTYM. 1922, in Rev. gén. des sc.; de paléoclimat, d'après climatologie.❖♦ Didact. Science des paléoclimats.
Encyclopédie Universelle. 2012.